Cass, Ass plén., 10 mai 2019, pourvoi n° 18-82.737.
Un État ne peut pas engager une poursuite pour diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, tel est l’enseignement de deux arrêts rendus en Assemblée plénière par la Cour de cassation le 10 mai 2019.
« (…) attendu, d'abord, que l'article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d'engager une poursuite en diffamation sur le fondement de cette loi ;
Attendu ensuite, qu'en droit interne, la libre communication des pensées et opinions est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés, et que les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi (Cons. constit., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC) ; qu'il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle considère que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72 ; 14 février 2008, July et SARL Libération c. France, n° 20893/03), de sorte qu'un Etat ne peut se prévaloir d'un droit à la protection de sa réputation, résultant de l'article 8 de ladite Convention, pour en limiter l'exercice (CEDH, 25 août 1998, Hertel c. Suisse, n° 25181/94 ; 25 juin 2002, Colombani et autres c. France, n° 51279/99 ; 22 octobre 2007, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, n°s 21279/02 et 36448/02) ; qu'en conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d'une diffamation, ne peut agir en réparation de son préjudice et que, dès lors, il n'existe aucun droit substantiel dont le droit processuel devrait permettre l'exercice en organisant, conformément à l'article 6, § 1, de la Convention précitée, un accès au juge de nature à en assurer l'effectivité ».